mardi 28 août 2012

Mongolie - Jour 10

Petite journée de prévue : 25 km seulement aujourd'hui. Trés vite, nous assistons à un de ces changements de décors radical auquel nous ne sommes toujours pas habitués : après les déserts de cailloux et rochers, nous sommes maintenant sur un haut plateau très vert, à l'herbe presque haute, parsemé ici et là de petits marais et mares auxquelles nos chevaux se désaltèrent et broutent volontiers. Nous voyons alors pour la première fois du voyage des 'compagnons de tentes' un peu partout sur le plateau.

Il ne s'agit pas de touristes mais de faucheurs d'herbe. En effet l'ensemble du plateau semble avoir été préservé des troupeaux et de très nombreux mongols s'activent à faucher l'herbe pour ramasser le fourrage des animaux pour l'hiver. Vu d'en haut (enfin, pas très haut pour moi avec mon petit cheval) de tout petits crop-circle semblent avoir été dessinés sur le sol. Nous nous arrêtons donc fréquemment pour saluer les différents groupes de travailleurs disséminés un peu partout jusqu'à un groupe plus conséquent. Sur un échange de sourire et de gestes avec eux, nous voilà nous aussi en train de nous essayer à la coupe de l'herbe à l'aide de leurs immenses faux (d'autant plus immenses que le mongol n'est généralement pas très grand). Le résultat ne sera pas franchement là, même notre guide n'a pas le même coup de main qu'eux; mais notre petite expérience de fauchage aura au moins eu le mérite de faire rire aux éclats les hommes et les enfants qui nous ont prêté la faux.
Le principe est (semble) simple : les hommes fauchent l'herbe à l'aide d'une grande faux en demi-cercles, avançant en ligne, chacun espacé de quelques mètres. Derrière,  les femmes et les enfants rammassent l'herbe fauchée, en font de petits tas, et les mettent sur d'immenses bâches/sacs en toile et trainent le tout jusqu'à un point de ramassage. D'autres groupes s'occupent alors enfin de charger tout ça dans le camion qui s'en va vers des destination inconnues (je suppose que le fourrage est stocké dans ces petites maisons en pierres disséminées un peu partout que nous avons croisé. Sortes de bergeries abandonnées comme on peut en voir dans les Pyrénées). Etant donné que nous n'avons pas de traductrice, il nous faut deviner tout ça, donc il est possible qu'on se trompe. Par exemple pour les tentes, je suppose que cette opération de fourrage ne durant que quelques jours mais devant rassembler beaucoup de monde, la plupart des acteurs ont préféré emmener une tente plutôt que de déplacer leur yourte.
Le spectacle fut rafraichissant après les heures solitaires des derniers jours, et après une courte pause repas/sieste sur le sol brulant de ce début d'après-midi, nous arrivons rapidement à notre campement. Là aussi l'emplacement s'avère très vert et relativement peuplé (au moins 5 yourtes nous font fasse de l'autre côté de la rivière).
Nous avions demandé la veille à la traductrice s'il nous serait possible de voir les fameux Kazakhs aigliers (chasseurs à l'aide des aigles et faucons) et elle nous avait répondu que malheureusement non, ceux-ci vivant beaucoup plus à l'ouest de notre position. C'est donc tout naturellement que ce soir, elle nous annoncé qu'en fait oui, il y en a, dont un juste à côté ... Le temps de prendre le zoom et une batterie de rechange et nous voilà en route. A peine garés, nous nous retrouvons face à face avec un aigle immense et majestueux,  attaché au pied de la yourte. Deux garçons s'approchent et parlementent avec la guide pendant qu'émerveillé je n'ai d'yeux que pour l'animal. Craintif et sauvage, celui-ci semble nous jauger du même regard. L'un des deux jeune parle anglais et nous commençons à discuter directement avec lui afin d'avoir quelques informations. Avenant, celui-ci nous amène un énorme gant de cuir , pose l'aigle dessus, et nous propose d'enfiler le gant pour "jouer" avec l'aigle. Chacun y passe. Le moment est magique. Je suis en train de réaliser un de mes plus vieux rêves d'enfant, les yeux embués, l'animal déployant ses immenses ailes au rythme du balancier de mon bras, tout près. J'ose à peine timidement lui toucher délicatement les ailes au moment de le rendre à son maître.

J'ai touché un aigle, je l'ai regardé dans les yeux à quelques centimètres. L'animal est tellement plus impressionnant ainsi, au contact, que sur n'importe quelle photo ou démonstration animalière.  Je tiens sur ma main une véritable machine à tuer, capable de soulever des animaux plus gros que lui, un animal n'ayant aucun prédateur, le roi du ciel. Ses griffes à peine serrées, je sens quand même la puissance dont il peut faire preuve. Son bec gracieux et si dangereux, ses yeux profonds et perçants, sa robe brune et dense. L'émotion et le plaisir ont rarement été aussi forts. Je sais déjà que ce sera l'expérience la plus forte du voyage, et pas seulement. Nous apprendrons que cet aigle est finalement très jeune, un an à peine, mais qu'il a quand même presque atteint sa taille finale.
Le dresseur nous emmène ensuite voir sa deuxième merveille : un faucon. Après l'aigle, le faucon semble terriblement petit. Mais pas moins dangereux. Même procédé, nous pouvons le porter sur le gant, mais pas question cette fois-ci de le toucher, l'animal est sauvage et je pourrais y perdre un doigt me dit le garçon. Plus racé, moins imposant, le faucon reste quand même un prince sans égal, capable de repérer une souris à plus de 500 mètres ! nous dit le dresseur. Il est plus âgé, 4 ans.

Pour nous remettre de nos émotions, nous sommes invités dans la yourte où nous essayons d'en savoir un peu plus sur le dressage. La traduction s'avère compliqué, la traductrice nous assurant que ce que la famille lui raconte est "trés intéressant" mais ne jugeant pas forcément utile de tout traduire, nous essayons de mélanger anglais et geste pour nous comprendre. Au final nous apprendrons uniquement les préparatifs de la chasse et compléterons nos connaissances plus tard. Le dressage en lui-même prends de ce que nous avons lu environ un an et consiste en différentes phases pour habituer l'oiseau à rester sur le poing sans bouger, à supporter les capuchons, à s'habituer à la corde quand il n'est pas en chasse, etc... ensuite, à l'approche de la saison de la chasse (les aigliers ne chassent pas toute l'année, mais principalement au printemps semble-t-il) les oiseaux sont progressivement affamés (on réduit leurs portions de nourriture) pour raviver leur instinct de chasse.
Et le point qui m'intriguait était de savoir comment peut-on lâcher un animal comme un aigle sur une proie en ayant l'assurance de retrouver les deux ?! Le moyen est finalement simple : lors de la chasse, l'animal à le bec attaché, et comme il ne chasse principalement qu'avec ses griffes, une fois la proie tuée, il ne peut la manger. Le dressage lui à alors déjà appris que, s'il attendait son maitre, celui-ci éviscérerait la proie tuée, et lui permettrait de manger donc immédiatement une partie du butin. Un simple échange de bon procédés en canalisant l’appétit de l'animal mais en maintenant actives ses incroyables capacités.
C'est heureux et l'appareil photo plein de centaines de clichés que nous quitterons nos hôtes à la nuit tombée.

Si tout va bien, demain, nous serons au pied du glacier.




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