
Dernier jour de plaine, début de la montagne. La matinée se passe
tranquillement, on alterne les rythme lent et plus rapides. On commence à
attaquer les étendues de cailloux, au grand Dam de Diesel, mon petit
cheval, qui arrive à être encore plus lent qu'à son habitude. Le paysage
change radicalement, plus de verdure à part quelques herbes séchées;
énormément de de cadavres d'animaux, blanchis et desséchés par le
soleil. Ce dernier tape fort, à tel point que je commence à attraper mes
premiers coups de soleil (au final, j'aurais les deux bras atteint
d'ici la fin) . A partir d'aujourd'hui, je prends mon appareil photo sur
le cheval, dans les sacoches; mais très vite je commence à désespérer
d'arriver à prendre une photo qui rende hommage à la beauté et à
l'immensité du paysage.

Peu avant midi, on voit arriver au loin un
petit troupeau de ... chameaux ! Arrivé à notre hauteur, le chamelier
bifurque dans notre direction et s’octroie une petite pause cigarette
avec notre guide, tradition oblige. J'avais emmené du tabac à rouler
(plus écolo) et cela semble beaucoup les amuser l'un et l'autre. Une
fois les civilités terminées, force est de constater que les chameaux
n'ont pas eu la patience d'attendre et on fait demi-tour; ce qui ne
semble pas inquiéter outre mesure le chamelier qui se lance à leur
poursuite. On devrait dire "têtu et retors comme un chameau" tant il
semble s'avérer difficile pour lui de les rassembler. Au final, midi
arrivant, les chameaux toujours partis dans le mauvais sens, il décide
de faire sa pause repas avec nous, s'en remettant au ciel pour les
retrouver. La pause de midi durera une heure chaque jour et sera
l'occasion d'une petite sieste bien méritée. Mon appareil photo semble
beaucoup amuser le chamelier qui me fera une séance de pauses, riant aux
éclats à chaque fois qu'il se verra sur l'écran.

La pause finie, il
repart à nos côtés, toujours pas inquiet, et après avoir traversé un
nouveau troupeau de chèvre, nous retrouvons ses chameaux tranquillement
installés à flanc de colline en train de brouter. Quels qu'ils aient
été, le chamelier semble avoir renoncé à ses projet et décide de nous
accompagner. Les portions d'herbe seront pour nous l'occasion de jouer
les gardiens de troupeaux de chameau de loin et de galoper avec eux.
Sensation et originalité garantie. A la fin d'une journée de près de 30
kilomètres, nous avons ramené le chamelier chez lui, où la séance photo
forcée va continuer : il va nous emmener sa femme, ses 5 enfants, sa
vingtaine de chameaux, l'occasion de prendre plusieurs photos les
faisant tous rire aux éclats (je me sens un peu forcé mais aussi gêné
car il ne les

verra finalement probablement jamais. Mais le geste semble
lui plaire donc allons-y).
Le défilé terminé, retour au camp où, une
fois descendus de cheval, on voit notre guide partir seul au triple
galop : la traductrice nous indique que, comme dès demain nous attaquons
la montagne, il va essayer de trouver un maréchal-ferrant. J'ai un
léger blocage : dans mon esprit, le maréchal-ferrant est une espèce de
montagne humaine à gros bras, transpirant devant sa forge et donnant de
gros coups de marteau sur une enclume... l'opposé du mongol en somme. Et
où trouver une forge dans ces plaines ? on demande à voir. Et
finalement, une heure plus tard arrivent deux mongols en moto; le plus
vieux commence alors à sortir de vieux clous en métal brut d'une poche
de sa veste, une vingtaine de fer à chevaux et commence les préparatifs.
S'ensuit alors une scène relativement violente. Nous étions curieux de
voir comment ils allaient poser les fers, nous n'avons pas été déçu. Le
principe est simple (même s'il vaudrait en

France un emprisonnement pour
violence sur animaux au minimum ...) : une première personne commence à
attacher avec une corde les deux antérieurs d'un cheval puis serre le
nœud jusqu'à ce que les pattes se touchent. Puis
il attache un des
postérieurs et serre encore. Le cheval n'a alors que deux appuis (les 3
pattes liées, et la dernière, libre). Il passe la corde derrière la
patte libre, et là, à deux, ils tirent de toutes leurs forces pour
relier les 4 pattes ensemble, le plus serré possible. Gravité oblige, le
cheval ayant les 4 pattes sur un seul appui, il tombe. Mais pas sans
tenter de garder l'équilibre. Le contact avec le sol est violent et dur à
regarder. Une fois à terre, l'un d'eux s'assoie carrément sur la tête
du cheval, pendant que le guide joue avec les nœuds des pattes pour
présenter au maréchal-ferrant une seule des 4. Après, c'est comme du
bricolage; à grands coups de marteau, les clous sont enfoncés dans les
sabots pour tenir le fer; un

coup de tenaille pour couper ce qui dépasse
et le tour est joué. Entre 30 minutes et une heure par cheval.
Quelques contusions et coupures sont visibles sur les chevaux mais nous
en sommes les seuls émus.
Le campement à été établi pas loin
d'une yourte dont les habitants nous ont apportés du lait de chèvre et
du fromage de chèvre mongol. Ce dernier s'avèrera très sec (comme la
plupart des autres fromages que nous pourrons gouter). Comme il semble
être l'heure de la traite, nous en profitons

pour aller jeter un œil
curieux; là aussi le rituel est particulier; quand on voit le matériel
qu'utilisent nos éleveurs alors qu'à 3 (deux enfants et la mère) et une
corde, ils arrivent à traire une vingtaine de chèvre en quelques
dizaines de minutes ...
Une fois la traite terminée, la famille nous invite dans sa yourte, où ils partagent avec nous du fromage et du thé au lait.
La
journée se finit par le repas du soir qui sera soft pour nous, pendant
que le reste du campement se mange une tête de mouton bouillie avec les
pattes.

On demande à gouter par curiosité et ma foi, ce n'est pas si
mauvais. Au moins eux ne mangeront pas la cervelle. La vraie surprise
n'est pas tant de les voir manger la tête mais plutôt de les voir manger
: une grande bassine avec la viande, une autre avec les légumes, et
tout le monde pioche allègrement dedans. C'est convivial d'un côté, mais
très "rustique" de l'autre. Petite Vodka devenue traditionnelle et au
lit; demain sera la plus grosse journée de tout le séjour : 45
kilomètres de montagne, 8 heures minimum de prévues. Mes cuisses hurlent
déjà.