jeudi 6 mai 2010

Japon - Jour 14

Quelle journée !! j'ai l'impression d'avoir vécu trois journées différentes et il n'est pourtant que 20 heures !!

Encouragé par mes récentes expériences solo  et inquiet de la météo des jours à venir, j'avais décidé de partir visiter Kamakura ,pendant que le reste du groupe se soumettait à des poussées d'adrénaline à  Fuji-Q High Land.
Départ donc assez tôt (8h) de Tokyo où, fin de golden week oblige, je croise beaucoup de monde sur le chemin de la gare et dans les trains. Les mines se sont assombries, les nouveaux employés faisant le même chemin que leurs aînés guère plus ravis. Les jupes des filles se sont rallongées, les coiffures des garçons se sont aplaties, "bienvenue dans le monde du travail" ! Parmi les armées de salary-men s'endormant sur leur sacoche (ou ne se bousculant PAS à la sortie des rames), je me sens encore plus étranger - si c'est encore possible - avec mon jean, mon appareil photo en bandoulière et mon t-shirt orange criard. J'ai l'impression de jouer à "où est Charlie" ... et c'est moi Charlie.

A la base, visiter Kamakura signifiait surtout ce qu'on m'en avait dit ou ce que j'avais pu en lire : "c'est une station balnéaire géniale, c'est trop bien, y'a des temples partout et la forêt". Arrivé sur place, je me trouve dans une gare minuscule de campagne et doit regarder par deux fois le nom de la station pour être convaincu que je suis bien arrivé à destination. Une carte un peu plus loin me confirme ce qu'on m'a dit : il y a des temples dans toute la vallée. Beaucoup. Beaucoup trop pour que j'espère en voir ne serais-ce que la moitié si j'espère rentrer vivant. Je me fixe donc sur un objectif simple : le Daibutsu, un des plus grand bouddhas du japon.
A partir de là, j'ai le choix, il y a deux façons d'y accéder : soit le train local qui longe la mer et dépose les voyageurs à quelques mètres du monument, soit le  parcours du combattant en forêt, un chemin qui semble sinueux et tortueux, passant à proximité de quelques autres temples, le tout sur plus de 4 kilomètres avant d'arriver de l'autre côté de la montagne, au pied du bouddha géant.
Je choisis bien évidement la seconde solution. J'ai la magnifique et brillante idée de m'acheter une bouteille d'eau avant de commencer la randonnée et j'ai sournoisement volé la boussole que mon colocataire à laissé derrière lui ce matin. Je ne suis pas forcément serein mais confiant au moins. C'est parti !


Après avoir longé la route sur quelques centaines de mètres, le chemin en question s'enfonce immédiatement dans la forêt. Je me bénirais aussi d'avoir opté ce matin pour de bonnes chaussures de marche et de ne pas être parti trop chargé.
L'ascension se fait au grès de marches antédiluviennes, quand il ne s'agit pas simplement de l'enchevêtrement des racines anciennes.
Ici, sous le couvert de la montagne, on se sent seul au monde, accompagnés par les seuls timides rayons du soleil filtrant au travers du ciel de feuillage, et du vent jouant avec le toit de la forêt. Par deux fois, cette quiétude ne sera troublée que par le son d'une flûte jouant un air traditionnel; pour mon plus grand bonheur.
Les randonneurs sont assez rares est silencieux, à l'exception de ce vieil homme, ayant allègrement dépassé les 70 ans, qui peine à gravir le sentier, mais qui refusera mon aide gentiment. Le temps d'une pause, il me fait comprendre  qu'il s'agit là d'une de ses dernières croisades, et qu'il entend la mener à bien seul, la tête haute. On se quitte sur un sourire. Nous ne sommes pas si différents finalement ...
Comme souvent, je prends profondément conscience de mon ignorance. Le sens de ces traditions, de ces rituels ,  qui m'échappent. Je doute qu'une vie y suffirait, et le monde est encore tellement vaste.
Comme ces deux jeunes filles de la ville montées ici pour acheter une toute petite coupelle en argile à 100yens et, après une inclinaison respectueuse, tentent de la briser sur un petit rocher prévu à cet effet. Probablement pour faire un vœu. Je n'ose pas les imiter, je suis étranger.
Tout à coup, sans que rien ne l'ait laissé présager, je me retrouve au milieu de plusieurs classes de primaire en sortie scolaire. A la vue du gaijin, et de l'appareil photo, les sourires s'élargissent et les langues se délient. Les "Konichiwa" fusent de toute part, et c'est avec mon meilleur accent français que je leur rend la politesse, intimidé et amusé. Je m'enfuis assez vite retrouver le couvert et le calme de la forêt.

Le chemin se termine sur une grande route, retour à la  civilisation et au temple où repose le Daibutsu.
Effectivement, il est très impressionnant. Imposant. Je ne sais pas me recueillir mais je reste un peu penaud devant la masse qui me fait face. "du haut de ces pyramides ...", la phrase conviendrait tout aussi bien ici. Des gens prient ou font le sacrifice de quelques pièces et bâtons d'encens au milieu de la foule bruyante et festive. J'ai traversé une montagne pour voir ça, quelques kilomètres seulement, et cela les valait largement.

De Kamakura, après les temples et le bouddha, il ne me reste qu'une chose à vérifier : la mer. Je fonce littéralement vers le sud, et commence à sentir un vent chaud et iodé m'envelopper. Soudain il est là. l'océan !
Voilà des années que j'ai quitté ma méditerranée, et elle me manque presque tous les jours. Alors soit, l'océan c'est moins beau, mais c'est déjà ça. Je suis déjà pieds nus, dans le sable. Le t-shirt ne tarde pas à rejoindre les chaussettes au fond du sac, et c'est en pleine conscience de la récompense que je m'offre un léger assoupissement sur la plage chauffée, accompagné seulement du vent sur mon visage et des croassements des nuées d'oiseaux en chasse.
Après un bain de soleil revigorant, je chasse les chasseurs à l'aide de mon objectif et réussit à voler quelques clichés.
Le vent souffle fort et corbeaux et buses ( je crois qu'il s'agit de l'équivalent de nos buses, un peu plus petites que des faucons) s'en donnent à cœur joie en pêchant des espèces de coquillages au raz de l'eau avec leurs serres puis, se laissant doucement remonter par les courants d'air chaud, lâchent leurs proies sur le sable humide pour en briser les coquilles.

Sur le chemin du retour vers la gare, je m'arrête dans quelques boutiques de la ville, qui me rappellent le sud de la France, avec ses rues enchevêtrées, ses gens bronzés et souriants, ses gangs de surfeurs, ses vitrines ensoleillées. Dans une de ces boutiques, je vais tomber sur un vendeur volubile, marocain d'origine, avec qui j'évoquerais des souvenirs du sud pendant plus d'une demi-heure.
On parlera de la France qu'il a quitté et que je vais retrouver, du Japon que je découvre et dont il s'est lassé, de la Corse d'hier et d'aujourd'hui, que nous avons tous deux habité, de la Femme, de celle qui me manque et celle qui l'a emmené sur cette île. Nostalgiques, on se quitte sur un au revoir, tout en sachant qu'il s'agira d'un adieu.

Retour dans la grande ville, où je m'arrête, le temps de quelques photos, dans le quartier de Tokyo-Station.
Encore un autre visage de la ville.Les longues et grandes avenues de cette portion séparent de grands buildings, prétentieux et fonctionnels, quartier d'affaires d'autres sphères sociales. Ici les magasins et les restaurants sont tout sauf populaires. Et les gens me regardent plus à cause de ma tenue et des restes de sable dans mes cheveux, qu'à cause de ma morphologie. 



Après un petit crochet par l'hôtel pour me décharger des emplettes de la journée, je fonce vers le cimetière de Ueno, toujours plein d'espoir pour faire de belles photos.
Au final, c'est encore raté, m'étant un peu trop attardé sur le chemin. Je me rabat sur un match de base-ball improvisé entre jeunes du coin, à la lumière des grands spots du stade du parc. Décidément je commence à réellement apprécier ce sport.
Au sortir du parc, je me dis que vu l'heure, je peux tenter un retour vers l'hôtel "les yeux fermés" et me laisse entraîner par la foule et les lumières des quartiers, perdu dans les rues et avenues éclairées, émerveillée par toute cette vie déjà nocturne. S'il n'y avait la lune pour nous le rappeler on oublierait presque que le soleil s'est couché tant la ville reste réveillée. Taito, Asakusa, Ueno, Ameyoko, de boutiques aux airs de souk en restaurants avec crieurs, je clôture ma journée par un bain de foule revigorant.

La forêt, la mer, les gens, la ville (et quelle ville !!), sacré journée. Je n'ai plus qu'une seule envie (à part dormir et me reposer) : acheter toute la ville et la ramener avec moi à Paris, pour que tous puissent en profiter !


Demain, s'il fait beau, ballade sur les quais et fin de journée dans les airs. Sinon, boutiques pour se consoler, c'est dit !

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